indigene-de-la-nation-slimane-dazicrédits photos: Princesse Acidulée/Time Art 

Dans son livre, Indigène de la nation, Slimane Dazi, l’acteur charismatique d’Un Prophète, Les Derniers Parisiens, Braquo…, nous parle de lui, de sa vie, sa famille, son parcours artistique, son identité. Un récit sans complaisance, parfois dur, mais toujours empreint d’une certaine bienveillance, celle d’un grand frère. À une époque où de nombreuses personnes portent le masque de l’apparence, c’est un privilège, grâce à un récit comme celui-ci, de voir une âme

C’est un touchant récit que nous livre l’acteur Slimane Dazi à travers son livre Indigène de la nation.

Son enfance, sa famille, son parcours, le récit est découpé, non linéaire, ce procédé narratif apporte à mon sens un dynamisme agréable à la lecture. Le style est simple, sans complaisance et empreint de bienveillance, à l’image de la personne que l’on imagine se cacher derrière l’acteur.

J’ai apprécié ses descriptions de la région parisienne des années 60, dont il se dégage une certaine nostalgie qui me rappelle les paroles de La Bohème d’Aznavour. Dans les années 1960, la banlieue parisienne avait encore des airs de campagne. L’école se trouvait sur les hauteurs de la ville. En chemin, nous longions les jardins fleuris de lilas et les vergers de la famille Lemire, le pêcher, le pommier, le cerisier dont les branches débordaient sur la rue.

L’auteur partage également avec nous son ressenti vis à vis de la France qui l’a vu naître et qui pourtant, d’une certaine manière, le renie. Né en 1960, avant l’indépendance de l’Algérie, l’auteur doit demander la nationalité française alors qu’il est né sur le sol français. Il ressent cette obligation comme une humiliation, et pense que la France le considère comme un citoyen de seconde zone. L’auteur nous raconte avec justesse ses ressentis, sa colère, mais aussi son questionnement sur cette identité que l’Etat qui l’a vu naître semble vouloir nier. Férue d’histoire, j’ai trouvé ce témoignage très intéressant ainsi que touchant, car s’il est important de connaître l’histoire, telle que l’on nous l’enseigne durant notre parcours scolaire et universitaire, il est primordial également de connaître le témoignage des personnes qui la vivent. Cette époque, à l’approche des années 1980, nous transformait en génération maudite. La France changeait, et nous étions à la charnière. Nous avions peu de certitudes auxquelles nous raccrocher. Nous étions la première génération d’enfants d’immigrés, la première à naître du grand chantier des guerres d’indépendance. On ne nous connaissait pas, on ne nous reconnaissait pas et nous avions nous-mêmes du mal à nous connaître. Nous allions le payer cher et longtemps. 

Slimane Dazi nous parle aussi de la drogue qu’il a vu s’installer petit à petit dans les banlieues, emportant beaucoup d’amis à lui. L’épidémie était une pieuvre géante dont les tentacules s’étendaient sur toute la périphérie de Paris pour lâcher son poison. La came nous fut imposée comme une dictature. Elle était arrivée sournoisement du coeur de Paris pour s’enraciner dans nos banlieues, pourrir nos caves et pour pénétrer dans nos vies. 

Quant aux descriptions d’Alger faites par l’auteur, elles sont très agréables, l’on y perçoit son profond attachement pour cette terre. Un lieu où il se ressource, où il a ses racines, sans pour autant pouvoir se passer de la frénésie de Paris. Un paradoxe que je comprends plutôt bien, avec la Corse pour ma part. (…) je plongeais dans la baie d’Alger à la nuit tombante. La vue des ferrys et des paquebots étoilés de lumières, l’écho d’un millier de bruits brassés par la foule me transportaient et me remuaient jusqu’au fond de mon être. La ville me berçait de son ivresse.

Quant à son histoire avec son père, je crois bien que c’est cela qui m’a le plus touchée car elle fait tant écho à la mienne… L’histoire avec mon père tient dans les mots qu’on ne s’est pas dits. On ne les a échangés qu’à la fin, près de son lit d’hôpital, pendant ses derniers mois. 

Un livre empreint de pudeur, de vérité, mais aussi truffé d’anecdotes sur le cinéma. Le parcours d’un grand frère, vrai, bienveillant.

crédit photo: Princesse Acidulée

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