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Doll is Mine est une pièce à l’esthétique soignée et à la poésie troublante. Une pièce qui nous parle de la crise profonde que traverse les hommes, et peut-être aussi plus généralement des tourments de l’âme humaine. L’auteure, Katia Ippaso signe un texte sophistiqué, que la mise en scène délicate et subtile d’Arturo Armone Caruso vient sublimer. Un spectacle à ne pas manquer, en ce moment au Théâtre de Nesle

L’itinéraire d’une vie à la dérive…

Doll is mine, raconte la vie de Shiori, interprétée avec justesse et de manière poétique par la comédienne Azuki. À travers son journal intime, l’on découvre la vie de cette jeune femme au métier impossible. Shiori, travaille à Tokyo dans une « Maison du sommeil ». Nous sommes le 1er décembre, il neige. Dans sa chambre, les clients, tous des hommes, défilent. Pas de sexe dans l’établissement. Shiori est payée pour veiller sur le sommeil de ses clients. Chacun de ces hommes traîne son fardeau, ses fantasmes et ses faiblesses…

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Si la pièce parle de la crise que traversent les hommes, leur difficulté à trouver leur place dans une société dont les moeurs sont en profonde transformation, j’avoue en avoir fait parallèlement à cette interprétation une autre lecture. Je me suis tellement approprié ce sublime texte que j’en ai fait une autre lecture. J’ai vu, dans l’histoire de cette jeune femme, l’instrumentalisation de la femme au sein de nos sociétés, qu’elles soient anciennes ou contemporaines, orientales ou occidentales. En effet, Shiori, de par sa seule présence, permet aux hommes dont elle doit surveiller le sommeil, d’aller au bout de leurs pulsions. Ces pulsions peuvent être suicidaires, un vieil homme souhaite qu’elle l’aide à mourir; mais aussi violentes, plusieurs étudiants tentent de la violer et la blesse physiquement à la poitrine; ou encore sexuelles, Andrew se dérobera après leur étreinte charnelle. Tant de pulsions violentes et malsaines qui conduiront Shiori à la dérive. C’est sans doute cela le propre des grands textes, de susciter des interprétations multiples, et de représenter de manière plus générale une métaphore de la condition humaine.

« Shiori veille dans l’obscurité. Dans la noirceur des obsessions que la nuit suscite, elle est un reflet de lumière. » Arturo Armone Caruso

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À travers une mise en scène épurée et soignée, le metteur en scène Arturo Armone Caruso sublime le texte de Katia Ippaso. Dans la pénombre, une passerelle érodée, de vieux billots de bois, un lit, des fleurs blanches abandonnées sur le sol… C’est aux portes de la nuit, dans cet espace sensible, inconfortable, merveilleux, que Doll is mine s’installe…

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La musique joue également un rôle à part entière dans cette pièce. Il y a tout d’abord le titre de la pièce, Doll is mine qui reprend le titre d’une chanson du groupe de rock italien Blonde Redhead. Puis il se dégage, des paroles de Shiori une grande musicalité. La musique vient supporter le récit, le transcender. La musicienne, Maria Fausta Rizzo, a une voix éraillée à la Bonnie Tyler qui dégage une émotion à fleur de peau, comme un cri. Celle-ci joue un rôle à part entière, comme dans le théâtre Nô japonais, elle est comme un intermédiaire entre l’acteur et le public. Ce duo de femmes aussi différentes que complices dégage une belle synergie. Maria donnera un concert exceptionnel au Théâtre de Nesle au mois de décembre à l’occasion de la sortie de son nouvel album solo.

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Une création, fruit de diverses inspirations…

Katia Ippaso est journaliste, romancière et auteure dramatique. Elle vit à Rome. Elle signe avec Doll is mine, un texte à l’esthétique soignée et à la sensibilité profonde. Azuki, la comédienne, est née à Paris de parents japonais. Riche d’une double culture, elle a s’est formée au Conservatoire à Paris, puis auprès d’un maître du Théâtre Nô japonais. Elle prête au personnage de Shiori la douceur de ses traits et la grâce de ses mouvements. La musicienne, Maria Fausta Rizzo, est diplômée en violon classique, elle est passionnée par la musique baroque et par le jazz. Elle collabore avec de grands noms de la musique comme Ennio Morricone, et Nicola Piovani, entre autres. Son parcours varié la conduit naturellement à un travail de composition, d’arrangement et d’orchestration. Arturo Armone Caruso est metteur en scène, comédien et traducteur. Il traduit de nombreux textes de grands auteurs italiens. Il a fondé récemment sa nouvelle compagnie théâtrale, Ressources Humaines. En 2014, sa traduction de Doll is mine obtient l’aide à la création du CNT (Centre National du Théâtre).

doll-is-mine-arturo-armone-carusocrédits photos: Cyril Totozafi

Le Théâtre de Nesle, véritable institution à Paris, offre un cadre intimiste idéal à cette pièce. Ce lieu historique au charme si particulier offre deux salles aux pierres apparentes au sein d’un ancien hôtel particulier du XVII ème siècle. La pièce dure 1 heure, et se joue encore jeudi, vendredi, samedi et dimanche, à 21h, jusqu’au 12 novembre prochain.

Théâtre de Nesle

8 rue de Nesle

75006 Paris

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