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Une pièce forte, un texte remarquable, servie par des comédiens de grand talent. Vous aimerez et surtout n’oublierez pas cette si longue nuit… Après une si longue nuit est une magnifique pièce, écrite par Michèle Laurence, qui traite d’un sujet ô combien difficile, à savoir les dommages collatéraux de la guerre sur les enfants. À travers une mise en scène emplie de sensibilité et de finesse de Laurent Natrella (sociétaire de la Comédie Française), la pièce nous parle également de manière plus générale, de la famille. Une pièce touchante à vous fendre l’âme… À ne surtout pas manquer au Théâtre du Roi René lors du prochain Festival d’Avignon, qui se déroulera du 7 au 30 juillet prochains.

J’ai eu l’occasion de voir il y a quelques semaines, cette sublime pièce au Théâtre Les 3 Pierrots à Saint-Cloud, et cette pièce m’a profondément touchée, émue jusqu’aux larmes (je crois bien d’ailleurs que c’est la première fois que cela m’arrive au théâtre). Traitant d’un sujet difficile, à savoir les innocences brisées des enfants ayant connu les atrocités de la guerre, ainsi que leur reconstruction grâce à leur résilience, cette pièce traite aussi de manière plus globale, de la façon dont nous percevons les évènements de notre vie à des âges différents.

Ils s’appellent Sarah, Samir, Tekitoi et Pierrot, ce sont quatre orphelins issus de cultures et de religions de pays différents, rescapés de grands conflits de la fin du XXe siècle. Après une dizaine d’années de séparation, ils se retrouvent au chevet de leur mère adoptive. Au fil de la nuit, la mémoire se délie…
S’ils ont été privés de leur innocence dès la première enfance, ils ont aussi connu des joies qu’ils ont partagées ou des chagrins dont ils peuvent se souvenir en souriant. Quatre parcours individuels, quatre histoires qui témoignent d’une force de vie que rien n’est parvenu à vaincre et d’un bonheur d’exister qui l’emporte sur tout.

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Telle que le précise Michèle Laurence, la pièce est construite par fragments, par éclats, comme la mémoire des protagonistes. Le spectateur pénètre dans les souvenirs d’enfance de ces quatre personnages tellement attachants, non parfois sans une certaine gêne, tant le texte est vif et saisissant de réalisme.

Laurent Natrella, sociétaire à la Comédie Française signe une mise en scène bouleversante d’intelligence et de finesse. Nous reconstituons un puzzle dont les pièces se seraient éparpillées aux quatre coins du monde et de la mémoire, le but étant de montrer comment le passé influe sur le présent et comment le présent rééclaire le passé. 

La scénographie sert elle aussi avec brio ce superbe texte. En imaginant un décor évolutif, tantôt salle d’attente d’hôpital, tantôt pièce de la maison familiale de leur enfance, Delphine Brouard imagine un lieu de convergence entre le passé, le présent et le renouveau. Elle propose une tension vers un ailleurs, appuyée par une ligne dynamique de sièges, source de jeux, sans atteindre de porte, frontière vers l’au-delà, mais évocation du passage de l’homme, de la lumière, et elle crée différents niveaux, espaces concrets des temps du récit, ceints de surfaces blanches, supports lumineux, invitations à la rêverie, telle la page blanche.

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Quant aux quatre comédiens, ils endossent, durant 1h25, avec simplicité, vérité et une sensibilité à fleur de peau ces quatre enfances brisées, ces quatre vies, ces quatre destins. Olivier Dote Doevi Tékitoi, incarne certainement un des personnages les plus émouvants de cet attachant quatuor. Bouleversé par le massacre de sa famille, celui-ci connait d’importants troubles du langage à son arrivée en France. Grâce à l’extraordinaire complicité avec sa soeur, mais aussi grâce au soutien de sa famille, il parviendra à se construire une personnalité douce, altruiste, des plus touchantes. Maxime Bailleul, comédien et chanteur, campe Pierrot, abandonné à la naissance par sa mère dont il ne sait rien. Sans passé, écorché vif sans attache, il réserve une belle surprise à ses frères et à sa soeur de coeur.

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Slimane Kacioui, acteur et metteur en scène, joue le personnage de Samir. En conflit permanent avec sa soeur, déchiré entre les traditions de son pays de naissance et celles de son pays d’adoption, Samir est un personnage tout en nuances et subtilités qui permet à Slimane Kacioui de montrer l’étendue de son talent.

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Elodie Menant, seule femme de ce talentueux quatuor, est absolument sublime dans ce rôle de Sarah. C’est une véritable performance que nous livre la jeune comédienne. Le spectateur ressent à travers le prisme de son interprétation, les sentiments de cette gamine déracinée, apeurée, qui a vu sa mère morte après un attentat. Le spectateur ressent son attachement à son frère de coeur Tékitoi, son évolution, ses doutes, ses premiers émois, et son profond attachement à cette maman adoptive, qui a su, de par son intelligence de coeur, leur insuffler ce sentiment commun d’unité, de famille, qui leur a permis de se reconstruire, chacun à leur manière. Elodie Menant est une brillante comédienne, elle effectue également des mises en scène. Dernièrement, elle a réalisé la mise en scène de La Peur, dont je vous parlais dans un précédent article ici.

elodie-menantcrédits photos: Rémy Disch

Une pièce bouleversante d’authenticité et d’émotions, un texte remarquable de Michèle Laurence, une mise en scène sublime de Laurent Natrella, servie par un quatuor de comédiens très talentueux. À voir absolument lors du Festival d’Avignon 2017.

Informations pratiques: Après une si longue nuit se jouera tous les soirs à 20h30 lors du Festival d’Avignon qui se déroulera du 7 au 30 juillet prochains, au Théâtre du Roi René.

Théâtre du Roi René

4 bis rue Grivolas

84000 Avignon

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